mercredi 14 juillet 2010

J. Wouters nous éclaire sur son dernier livre. Gravelines blues est un polar à l’ambiance électrique.

J. Wouters vit à Gravelines. Professeur de français à la retraite, elle se consacre aujourd’hui à l’écriture. Nous avons rendez-vous au bar Le 116, près du phare. On retrouve l’établissement dans Gravelines blues, son dernier roman, dont l’intrigue se déroule dans la microsociété des salariés d’une entreprise d’électricté, où imperceptiblement, la tension monte.

L'histoire. Fin de saison touristique agitée à Gravelines. Zélie, une mamie, est agressée dans sa cabane de plage. Un individu tente de perturber le son et lumière de la ville. Le lieutenant de police Jules Baudion, en vacances sur la côte, essaie de tirer ça au clair. Pour cela, il se fond dans la vie des habitants. Il se lie notamment avec Valentine et son petit-fils Martial. Son attention se centralise bientôt sur la Métafor and co, où travaille ce dernier. C’est une imprimerie qui produit sa propre électricité grâce à un réacteur nucléaire. Plusieurs pistes se dessinent : les écologistes, les chasseurs, à moins que l’explication de cette agitation soit beaucoup plus élémentaire...



J. Wouters, qu’est-ce qui vous plaît dans le genre littéraire polar ?

« Beaucoup de choses. Le sang, le meurtre en lui-même, je n’aime pas. Mais je suis intéressée par la question suivante : pourquoi et comment devient-on un assassin ? C’est ce qui me fait marcher. Je me rend compte qu’il ne faut pas grand-chose quelque fois pour basculer dans le meurtre. »


C’est un roman très gravelinois, mais il dépeint des passions qui sont universelles...

« Tout à fait. Le polar justement permet une analyse non seulement des ressors psychologiques qui font qu’à un moment donné on bascule dans le meurtre, mais ça permet aussi l’analyse d’un milieu. Ici, j’analyse l’univers des gens qui travaillent dans une centrale. »


Diriez-vous que le coeur humain est aussi instable que le cœur de la centrale de Gravelines ?

« J’espère quand même que le réacteur est très solide... Disons qu’un coeur humain peut avoir des ratés, comme peut en avoir un réacteur nucléaire. Mais bon, ici notre réacteur ne fabrique pas la bombe atomique non plus... D’ailleurs, j’ai déplacé le problème, je ne suis pas dans la centrale, mais dans l’environnement d’une grande imprimerie fictive, la Metafor and co, qui a un réacteur nucléaire. »


Il y a toujours chez l’autre quelque chose d’irréductible qui échappe à notre regard. Le boulot de l’écrivain, n’est-ce pas de deviner ces réactions imperceptibles ?

« Oui... C’est essayer de voir ce qui est habituellement caché. Je crois que c’est ça. Après si c’est juste, je ne sais pas, mais il y a parfois des correspondances étonnantes. »


Alors, comment peut-on en arriver à tuer ? Comment ça finit par exploser ?

« C’est toujours un sentiment exacerbé qui fait qu’on passe à l’acte. Dans mes romans, c’est souvent un sentiment de haine ou d’amour. Dans la mythologie, il y a plein de meurtres qui sont commis à cause d’une volonté exacerbée d’exercer le pouvoir. Ça vient d’un sentiment qui a moment donné devient tellement insupportable qu’il ne peut être surmonter autrement que par la suppression de celui qui est en face de soi. Le polar a pris le rôle du théâtre du XVIIe siècle. Il a un rôle de catharsis. On était comme soulagé de pouvoir voir tuer son voisin sur la scène. Dans le polar, ça fait du bien au lecteur, et à l’auteur, de faire ce qu’il ne pourra jamais faire dans la vie, parce qu’il y a des règles sociales et morales. »


Recueilli par Sébastien Arnold

Interview publiée dans Croix du Nord le 16/07/10.

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