samedi 14 août 2010

Rencontre avec Carole Fives. Dans « Quand nous serons heureux », elle dépeint un bonheur en trompe-l'œil.

Carole Fives habite près de Lille. Dans sa maison, des toiles sont entreposées un peu partout. Ancienne élève des Beaux-Arts, pour elle, la peinture et l'écriture sont liées. Elle a commencé par écrire sur ses toiles avant de se lancer en littérature. Quand nous serons heureux, son premier roman publié, est une peinture de nos vies modernes, tournées toutes entières vers l'épanouissement personnel, au point que celui-ci devient un souci constant, une obsession et finalement, une cause d'angoisse.
L'histoire. Quand nous serons heureux rassemble une trentaine de petites histoires. Avec humour, Carole Fives croque des personnages qui cherchent à correspondre à une idée stéréotypée du bonheur. N'est-ce pas paradoxal d'accepter de souffrir pour être heureux ? Les remèdes sont parfois pire que les maux... C'est ce que comprend cette mère malheureuse qui ne rentre pas chez elle un soir. Elle délaisse sa famille. Elle se dit : « Ne pas aimer mais avoir malgré tout essayé, voilà ma première grande erreur. » C'est aussi l'histoire de cette jeune femme qui se trouve laide et qui recourt à la chirurgie esthétique. Elle veut qu'on la regarde. C'est réussi, mais elle sent qu'on ne la voit pas elle, mais sa plastique. Elle découvre qu'au final se faire siffler dans la rue n'est pas très épanouissant...

Carole fives, en écrivant ce ce livre, quelle était votre première intention ?

« C’était de croquer des gens avec des choses que je perçois quand je les rencontre. C’est essayer de les percer à jour en me mettant dans leur peau et en prenant la parole à leur place pendant quelques pages. »


C’est donc une galerie de portraits, de destins qui se croisent...

« Ce sont trente monologues, tous isolés dans leur cas. Quand ils se croisent, c’est toujours de manière très superficielle. Ils sont juste une solitude à côté d’une autre solitude... »


Le titre Quand nous serons heureux semble indiquer que le bonheur, c’est toujours pour demain. Selon vous, au présent, on vit mal...

« Oui, c’est le cas pour la trentaine de protagonistes. Ils sont tous dans l’attente. Ce qui les rend malheureux, c’est de penser que ça va arriver demain. Ils pensent toujours qu’un jour viendra où ça ira mieux, que ça dépend d’un détail, de la relation avec le père, d’une opération de chirurgie esthétique, etc. Ils sont à la recherche d’un déclic et on se rend compte qu’ils ne sont pas forcément sur le bon chemin. »


N’est-ce pas leur quête de bonheur qui les rend malheureux ?

« Tout à fait. Ça correspond à la société d’aujourd’hui, à la publicité. Vous serez heureux quand vous aurez acheté telle bagnole, vous serez heureux le jour où, le jour où... Quand on a quelque chose, on ne s’en rend pas compte. C’est une quête effreinée qui est une cause de désespoir. »


On sent qu’aujourd’hui, il y a une obligation d’être heureux et une culpabilité à ne pas l’être, non ?

« Oui, c’est vrai. Si on n’est pas heureux, on est un looser. Il y a toujours une espèce de comparaison entre les gens. On pense toujours que c’est mieux chez les voisins. C’est un peu le fond très contemporain du livre. »


Vous vous amusez des gens qui se précipitent sur les livres de développemement personnel. Pourquoi ?

« Parce que c’est aller chercher des recettes toutes faites. On est dans une société dans laquelle on est toujours à la recherche d’astuces. Finalement, c’est consommer vite fait pour aller mieux très vite. Ça montre un état de grand désarroi, je trouve.»


Recueilli par Sébastien Arnold

Interview publiée dans Croix du Nord le 13/08/2010.

Aux éditions Le passage, 14 euros.


samedi 7 août 2010

Philippe Govart présente Bondues sans confession. Meurtres, promesses électorales et serments d’amour.

Le 16 juillet à 11 h du matin, Philippe Govart entre dans le bar où nous avons rendez-vous. Lunettes épaisses, blazer noir, l'allure débonnaire, il ressemble bien à un auteur de polar. Il se dit influencé par James Ellroy, Quentin Tarantino ou Michel Audiard. Son livre, Bondues sans confession, s’inscrit dans la pure tradition des romans noirs. Avec un humour décapant, il conte les mésaventures d’un homme en quête de rachat. Pour se faire pardonner d’une femme qu’il a trahie par le passé, il se retrouve mêlé à une sombre histoire de meurtres en pleine élection présidentielle.

L’histoire. Rainer Cloos est un photographe qui ne croit plus en rien. Un jour, Auloniade, un amour de jeunesse, lui demande un bien étrange service. Elle est en danger, il doit tuer un dénommé Silure pour la protéger. Plutôt louche... Il n’est pas très fier de l’avoir abandonnée par le passé. Même s’il refuse de lui rendre ce « service », il décide de surveiller l’homme en question. Sans s’en rendre compte, il se laisse entraîner dans un vrai traquenard. En suivant ce Silure, il est témoin de son assassinat. Il apprend alors que cet homme, conseiller municipal à Bondues, était un jeune loup de la politique. En pleine campagne électorale pour la Présidentielle, l’affaire ne sent pas, mais alors vraiment pas bon...


Philippe Govart, l’intrigue de Bondues sans confession se déroule à Lille pendant la Présidentielle de 2007. Vous n’êtes pas tendre avec le monde politique. Pourquoi ?

« Non, je m’en suis servi de toile de fond pour stigmatiser toutes les promesses qui sont faites lors des élections présidentielles. Ça s’apparente un peu à ce qu’on peut vivre dans un couple, où on fait prévaloir toutes sortes d’éléments qui s’avèrent un peu différents par la suite. C’est le parallèle que je souhaitais. »


L’éditeur vous définit comme « un observateur amusé de la vie politique nordiste »...

« Oui, tout à fait. La vie politique en générale, lilloise, a fortiori. C’est certain. J’ai eu 48 ans il n’y a pas longtemps et je constate énormément de choses, de dérives. Beaucoup d’élus sont extrêmement sérieux, mais ce n’est pas forcément le cas de l’ensemble de la population politique. »


En amour comme en politique, il y a des engagements qui ne sont pas tenus. Auloniade, la femme qui est le déclencheur de cette histoire sanglante, en fait l’amère expérience...

« Oui, c’est clair. Elle est trop pure, peut-être trop généreuse aussi. Systématiquement, elle se fait avoir par les personnes à qui elle donne sa confiance. »


Rainer Cloos, le (anti-)héros qui a été son compagnon, se définit comme un « chrétien désenchanté ». À travers lui, voulez-vous dire que vous avez perdu toutes illusions sur les gens?

« Je ne m’imagine pas dans un personnage. La plupart du temps quand on écrit un roman policier, il faut bien construire un plan avec des personnages qui s’inscrivent dans la logique de l’intrigue. Je n’ai pas voulu donner de message de cet ordre. Le vrai message a trait plus à la jalousie et au fait que c’est un sentiment ridicule. »


Pourtant, sur la couverture, on lit « polar nihiliste ». Il y a encore de l’espoir, alors ?

« La maison d’édition a mis ça, mais le personnage central (Rainer cloos) qui n’est pas un garçon très sympathique et qui se fait manipuler comme une bonne courge du début jusqu’à la fin, ben... trouve la rédemption. C’est intéressant d’en arriver là. À travers toutes les conneries qu’il a pu faire, il frôle la mort, il est seul, il arrive à revivre... »


Recueilli par Sébastien Arnold

Interview publiée dans Croix du Nord le 06/08/2010

> Aux éditions Ravet-Anceau, 11 euros.